Mémoires vives n°7 : La bourrée : Du chant à l’instrument…

La bourrée en Ardèche : Du chant à danser à l’instrument…

Une des particularités des musiques à danser des Alpes du Sud aux Cévennes est le lien étroit qui existe entre le répertoire de chant à danser ( le chant au tra la la) et la musique instrumentale au violon, accordéon, flûtes… Beaucoup de musiciens traditionnels étaient aussi des chanteurs et même si ce n’était pas leur fonction principale ils chantaient souvent la mélodie à des fins de mémorisation. « Chantes ce que tu joues et joues ce que tu chantes » pourrait être le principal conseil pédagogique issue de la tradition de ces musiciens autodidactes. Cette caractéristique concerne toutes les formes de danse, même plus récente (valse, polka…) mais surtout les deux marqueurs musicaux de notre région, le rigodon et la bourrée à 3 temps ( voir articles sur ce site rubrique ethnomusicologie et musiques et danses). Il s’agit donc aujourd’hui  de l’adaptation au jeu de violon d’une bourrée bien connue sur cette façade Est du Massif central ( S’iai fié Pierrot, si j’avais cru Pierrot) dont la version originale a été collectée à Borée (07) et publiée dans le CDDVD Mémoires du plateau ( collecte C Oller P Lejeune). La partition de la collecte (paroles et musiques) figure dans divers articles dont celui du MAR 2004 (voir lien sur ce site). D’autres collectes anciennes de cette mélodie, avec d’autres titres et paroles, existent en ardèche et Haute Loire… ( voir V D’indy, inédits de la collecte de P Nauton…).

La mélodie de la collecte qui nous révèle outre un mode interessant un rapport à la podorythmie intense!

Ma version, qui figure dans mon livre CD Violon traditionnel Dauphiné Vivarais Savoie 35 mélodies ( en vente sur ce site) s’inspire de mon expérience du chant à danser en langue d’OC (accents, inflexions, tenues…) et de ma pratique de la bourrée au violon que j’ai pu affiner dés le début des années 1970. Par exemple lors d’une tournée d’été en Auvergne qui m’avait permis de rencontrer et d’enregistrer des violoneux devenus « célèbres » par la suite comme Joseph Perrier, J M Tournadre…sans parler de quelques rencontres déterminantes avec des accordéonistes et cabrettaires reconnus dans le bal régional de la Lozère à l’Auvergne…

 S’iai fié Pierrot

Cette mélodie construite sur un mode très intrigant pour une oreille « folklorique » (ce qui explique peut être sa marginalisation dans le répertoire des standards auvergnats) nous entraîne dans un climat proche du blues (quarte + ou quinte b?) sans parler de la finale de la partie A  sur la seconde. Le bariolage en arpège de la deuxième partie qui est de mon invention nous ramène dans le jeu d’accordéon ou de cabrette…Le redoublement des parties AABB est classique en situation de danse et se retrouve rarement en collecte hors contexte. On peut préférer un tempo plus apaisé et un phrasé moins accentué et syncopé mais c’est bien de cette manière (3 temps irréguliers : fort faible demi fort) qu’elle est encore chantée et jouée en ardèche!

Partition violon s’ià fié Pierrot